PAYSAGES DE MARCHE
Dans les traces de Rousseau, Courbet, Renoir, Cézanne et les autres

Exposition du 28 juin au 19 octobre 2025 au musée Courbet (Ornans)

Gustave Courbet (1819-1877)
Le jeune casseur de pierre
Vers 1865 ; Pierre noire et sanguine ;
31.8 x 23.9 cm ; Ornans, musée départe
mental Gustave Courbet – Inv. 1976.1.15

« L’artiste doit voyager à pied », affirme le peintre Pierre-Henri de Valenciennes en 1799.


C’est même, selon lui, la condition de la peinture de paysage. C’est ce lien entre paysage et marche à pied, qui se concrétise notamment au XIXe siècle par la pratique de la peinture en plein air, sur le motif, que l’exposition propose de mettre au jour ici.
De la marche comme exercice philosophique, propice à la connaissance et à la pensée, à l’errance volontaire des artistes dans une nature sauvage, quasi-impénétrable, l’exposition vous invite à cheminer sur les traces de ces peintres-marcheurs tels que Théodore Rousseau, Gustave Courbet, Auguste Renoir, Paul Cézanne et bien d’autres.
En peignant le paysage, ces artistes ont, contre l’inadmissible indifférence du monde, cherché partout des traces de leur humanité. Chercher des traces de soi et en laisser…

Dans un texte paru en 1799, ses Réflexions et conseils à un Élève sur la pein
ture et particulièrement sur le genre du paysage
, le peintre Pierre-Henri de
Valenciennes (1750-1819) consacre un développement au voyage comme
préalable à toute peinture de paysage : loin de réduire le paysage à une expérience visuelle – la nature recadrée par un regard – Valenciennes insiste sur la dimension corporelle de l’expérience. Pour être peint, le paysage doit être éprouvé.
« Voyagez le moins que vous pourrez en poste ; laissez ce luxe aux riches ignorants qui courent le monde comme des malles, et qui, enfermés dans leurs voitures, ne voient le pays qu’ils traversent que comme une lanterne magique à qui leur portière sert de cadre. […] L’artiste doit voyager à petites journées, à cheval s’il est possible, et le plus souvent à pied ».
Plusieurs manières de vivre cette rencontre sont possibles, comme il y a
plusieurs manières de marcher. À travers plus d’une soixantaine d’œuvres
d’artistes issus de traditions et de mouvements artistiques divers, l’exposition
Paysages de marche propose d’explorer ces multiples façons de marcher
et de concevoir le paysage. Au-delà de la seule question de la peinture de
plein air qui a longtemps résumé l’évolution de la peinture de paysage, notre
pérégrination rend visible un moment important de l’art et de l’histoire du
xIxe siècle : celui où l’homme tente de se libérer de la pénibilité de la marche
laborieuse ; celui où il parvient à faire de la lenteur la condition de son art,
avant que le monde ne soit saisi par la fièvre de l’accélération.

EVA JOSPIN
CHAMBRE D’ECHOS


Exposition du 28 juin au 19 octobre 2025 à l’atelier Courbet (Ornans)


Bâti en 1860, l’« atelier dans la campagne » de Gustave Courbet (1819-1877) a été pensé par l’artiste comme un lieu idéal, s’émancipant des modèles traditionnels urbains pour s’adapter à la pratique et à la trajectoire d’un peintre tiraillé entre deux mondes, Paris et Ornans. Courbet le façonne à son image, aussi bien à l’extérieur, entre les falaises calcaires et la Loue, par l’achat de terrains plantés d’« essences d’arbres propres à [s]a peinture » (Gustave Courbet, 1859), qu’à l’intérieur, par la réalisation de peintures murales au plafond : « un panorama anamorphosé, comme un reflet dans une boule de verre » (Eva Jospin, 2025).
Célébrant sa restauration récente et son ouverture au public, l’Atelier Courbet redevient un lieu dédié à la création en accueillant Eva Jospin pour une carte blanche exceptionnelle. L’artiste a envisagé cette exposition comme la création d’un lieu et d’une expérience de déambulation à travers l’espace et le temps : une chambre d’écho. Telle une grotte, ce monde originel dont les deux artistes nourrissent la même obsession, l’atelier devient un espace sensoriel, habité de résonances artistiques.
Contre-mondes visibles et invisibles, les forêts et les grottes imaginaires d’Eva Jospin, sculptées en carton ou brodées en fils de soie, dialoguent avec les mondes observés et éprouvés des peintures de Courbet, tels que les sous
bois de La Remise de chevreuils et les profondeurs géologiques de La Source
de la Loue. Relevant le défi de cette confrontation, l’artiste plasticienne suit
la trace du peintre marcheur, retenant de lui non ses seuls motifs, mais ses
« sentiments de nature » (Gustave Courbet, 1850). Dans cette chambre d’écho, les œuvres, dont plusieurs ont été produites pour l’exposition, témoignent de la rencontre féconde entre deux univers où se conjuguent attention à la matière et recherche de la forme juste.

Commissariat
Benjamin Foudral, conservateur et directeur du musée et
pôle Courbet
Eva Jospin, artiste
Pierre Wat, historien de l’art, professeur d’histoire de l’art
à Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne