Institut Gustave Courbet

Association des amis de Courbet et du Musée

Lydie Jolicler et les siens font passer Courbet en Suisse

D'importants travaux de recherches engagés par l'historienne de l'art Chantal Humbert dans le cadre du bulletin n°124 (21 x 15 cm, 104 pages) "Dans l'intimité des Jolicler, amis de Courbet" nous font mieux comprendre l'amitié qui liait la famille Jolicler à la famille Courbet.

La découverte du roman "La route sans compagnon" basé sur des faits et des personnages réels nous éclairent sur le départ de Courbet pour la Suisse.

Extraits :
" Je sais que Gabriel (Gustave Courbet) est franchement révolutionnaire et si mon père et Lejay, Oswald et moi sommes des républicains convaincus, là encore il y aurait sujet à controverse. Père n’admire que Gambetta. Lejay prétend qu’il a prolongé la guerre et sa sympathie va à «l’homme du toupet», Thiers…. Auguste de Sault est silencieux; la défaite l’a écrasé, humilié en tant qu’officier de carrière. Gabriel (Gustave Courbet) en se lançant dans une
tirade s’arrête au milieu, se ravise et ne dit plus rien. Jamais cette tolérance, ce respect des sentiments d’autrui ne s’étaient manifestés parmi nous où chacun par tempérament défend avec ardeur son point de vue et l’homme de son choix. Mère m’a dit en haussant les épaules :
«Que veux-tu, je suis en dehors de tout cela, je suis royaliste.»
… Cependant notre paix fut de courte durée. Lejay nous arriva un soir à bride abattue, son cheval couvert d’écume nous prouvait l’urgence de ce qu’il avait à nous apprendre.
Gabriel (Gustave Courbet) était poursuivi, on était venu le chercher chez Lejay, on chercherait ailleurs, chez nous Grande Rue, et ici ensuite. Il fallait qu’il parte. On parlait de confisquer ses biens.
«C’était à prévoir» soupira mon beau-père. «Il est allé trop loin, comme nous le lui avions prédit» ce fut le seul commentaire, la seule critique d’Henri du Thillet pour son adversaire de toujours. «Il ne faut pas perdre de temps» dit mon père avec autorité.
L’enfant terrible haussait les épaules.
«Oswald (Charles Jolicler) et moi allons te conduire à la frontière suisse».
«J’irai seul, je ne tiens pas à vous compromettre.»
Père hocha la tête avec un peu de pitié:
«Crois-tu par hasard connaître les sentiers de montagne aussi bien que nous?» Il montra du doigt le flanc boisé qui bordait notre horizon.
«Ce versant nous appartient depuis trois générations, nous l’avons parcouru dans tous les sens jusqu’à la moindre de ses sentes. Nous te conduirons en une petite heure, mais toi, si tu te perds, tu tomberas sur les douaniers et ce sera joli.»
«Faisons vite» ajouta Oswald (Charles Jolicler) avec calme, ayant déjà pris sa pèlerine, dans le vestibule, et l’agrafant au col: il choisit une canne dans le porte-parapluie et se dirigea vers la porte.
Ma mère était montée au premier étage et avait mis dans la valise de Gabriel les objets nécessaires sans même attendre les dernières paroles de Père.
J’allais rapidement dans ma chambre, ouvrir mon secrétaire, y pris un rouleau de pièces d’argent. Je le glissai dans la poche du vêtement de Gabriel (Gustave Courbet). La plupart étaient des pièces de monnaie suisses dont j’avais toujours fait provision pour nos excursions au-delà de la proche frontière.
«Quelle rapidité!» s’exclama notre ami «vous êtes pressés de vous débarrasser de moi».
«Tu sais bien que non» dit Alban (Abbé Marcel Chenoz) d’un ton de reproche.
«Je plaisante, je plaisante, je vous connais bien tous allez!» Gabriel (Gustave Courbet) prie ma main et celle d’Oswald (Charles Jolicler) dans les siennes, les serra… Comme il passait le seuil, Alban leva la main, hésita, ils se regardèrent un instant, puis Gabriel (Gustave Courbet) avec une douceur inaccoutumée murmura: «Va petit! pour une fois tu peux me bénir.» Alban, gravement, termina le geste commencé; Ils partirent tous trois, Père, Oswald et le pauvre exilé d’un pas ferme sans se retourner."

Le bulletin n°124 est toujours disponible à la vente à l'Institut Courbet et par correspondance.

Il est offert à chaque adhérent.

Adhérez !

L'Est républicain, 19 juillet 2023

Il y a 150 ans Gustave Courbet quittait son pays

Plaque posée à La Vrine par les Amis de Gustave Courbet (aujourd'hui Le relais des terroirs) (c) Philippe Pillot

« L’Âge d’or, Paradis, utopies et rêves de bonheur » au Musée Courbet

« L’Âge d’or, Paradis, utopies et rêves de bonheur de Brueghel à

Signac » au musée Gustave Courbet à Ornans

Paul Signac, Au temps d’harmonie, esquisse, 1893

L’exposition de l’été 2023 au musée Courbet à Ornans a pour thème « L’Âge d’or », un mythe qui « raconte ce moment suspendu d’un paradis originel, à l’aube de l’humanité, quand les êtres humains vivaient encore en parfaite harmonie avec les dieux et la nature, en paix avec eux-mêmes, dans une nature bienfaisante et abondante ».
L’exposition débute avec des œuvres des XVIe et XVIIe siècles (Giorgio Vasari, Jacopo Zucchi, Pieter II Brueghel, etc.), époque où furent définis les codes de représentation de cet âge d’or. Des œuvres plus tardives montrent la revitalisation et la popularité de ce mythe au XIXe et au XXe siècles avec des artistes comme Jean Auguste Dominique Ingres, Paul Signac, André Derain ou Maurice Denis ; mais encore avec des artistes moins souvent présentés comme Léon Frédéric, Hippolyte Petitjean ou Constant Montald.

Gustave Courbet, Le Chêne de Flagey, 1864 © Ornans, Musée Gustave Courbet

On peut se demander pourquoi une telle exposition se tient au musée Gustave Courbet. Pour répondre à cette question, il faut lire dans le catalogue l’article de Bertrand Tillier, professeur à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, article intitulé « Les paysages de Franche-Comté, loci amoeni de Courbet » : en fait, les paysages de sa région d’origine sont pour Gustave Courbet des lieux idylliques, et c’est pourquoi le merveilleux Chêne de Flagey a toute sa place au cœur de l’exposition.

Mais le peintre d’Ornans a aussi été sensible aux réflexions des penseurs utopistes de sa région, comme Claude-Nicolas Ledoux, Charles Fourier ou son ami Pierre-Joseph Proudhon, réflexions qui ouvrent la voie à une vision projetée de « l’Âge d’or ».
À noter encore la scénographie originale de cette exposition, avec des couleurs chaudes qui soulignent « l’âge d’or ».

Compte-rendu par Brice Leibundgut, membre du Conseil d'administration de l'Institut Gustave Courbet.

Informations :

L’Âge d’or. Paradis, utopies et rêves de bonheur, de Brueghel à Signac - Musée Courbet (musee-courbet.fr)

Catalogue :
Catalogue de l’exposition « L’Âge d’or, Paradis, utopies et rêves de bonheur de Brueghel à Signac », sous la direction de Benjamin Foudral et Elinor Myara Kelif, avec des contributions de Neil, McWilliam, Charlotte Hellman, Bertrand Tillier et Noël Barbe, SilvanaEditoriale, 2023, 160 pages.